La gestion d'une équipe demande quelques aptitudes dont une solide capacité à s'adapter aux différentes situations pouvant survenir. 

A l'ère du "bien-être au travail", où la santé mentale des salariés devient un sujet central d'un point de vue RH mais également managérial, il est intéressant de se questionner sur le rapport à la performance, à la productivité, au "faire". 

Faire toujours plus, toujours mieux, être toujours occupé... de quoi favoriser un environnement professionnel stressant. D'ailleurs, une récente étude publiée par Ignition Program indique qu'en 2024, 53% des salariés déclaraient souffrir d'un niveau de stress élevé, soit une augmentation de 13 points en comparaison avec 2023. 47 % des interrogés indiquent même être désengagés mentalement de leur travail ! Les conséquences ? Des employés en souffrance voire en détresse, des équipes totalement démotivées, prêtes à quitter leur poste. Et l'effet boule de neige commence : tout un business se voit alors perturbé par cette situation. 

Le vrai problème : la culture du "toujours plus" et du reporting constant

Si vous preniez le temps d'écouter un peu le discours des uns et des autres aujourd'hui au bureau ? Combien de fois entendez-vous les termes "performance", "productivité", "rapidité", "feedback", "chiffres" ? Un peu trop souvent, n'est-ce pas ? Ces mots-clés nous guident effectivement chaque jour pour atteindre les objectifs d'une activité. 

Les collaborateurs sont amenés à arriver au bureau avec une mission : celle de rentabiliser les 7 heures ou plus passées à exercer leur métier. Une bonne journée se résume même parfois à dire "J'ai été super productif.ve., je n'ai pas arrêté !". 

Pour chaque action réalisée naît le besoin d'envoyer un rapport, de rendre des comptes, parfois pour des détails sans importance. Mettre à jour les chiffres, faire le point, une journée sans réunion semble même être une journée de perdue

Et si l'on s'octroyait une pause ? "Si j'ai le temps !", "J'arrive, je vous rejoins" (spoiler alert : on ne rejoint jamais l'équipe !). Dans le meilleur des cas, les collaborateurs respectent leurs horaires, ne rentrent pas trop tard chez eux le soir, déconnectent une fois à la maison. Mais combien viennent plus tôt pour être au calme et avancer ? Combien partent plus tard pour finir ce qui aurait pu l'être le lendemain ? Combien rouvrent leur ordinateur une fois chez eux pour envoyer un ou deux mails, car leur esprit ne déconnecte jamais du travail ? Combien enfin, n'osent pas poser de jours de congé, "J'attends de voir la charge de travail d'ici là", "Il y a des projets en cours et personne n'est là" ou consultent leurs mails avant la fin de leurs vacances car le stress les saisit, "Je vais avoir une tonne de mails à traiter, il vaut mieux que je m'en occupe un peu en avance". 

Productifs ? Oui. Dans l'action ? Constamment. Efficace ? Ca reste à déterminer. Heureux ? Posez-leur la question. Epuisés ? Certains signes ne mentent pas

Et si "non-agir" favorisait un meilleur passage à l'action ?

"Non-agir", "quelle idée !". Oui, quelle idée ! Il ne s'agit pas là d'inaction, de paresse. Il est plutôt question de faire le choix de ne pas intervenir, ne pas forcer, ne pas précipiter une décision ou une action. Pourquoi ? Parce que parfois, le contexte exige du recul, de l'écoute, du temps. 

Quelques exemples concrets de "non-action" : 

  • Ne pas lancer tout de suite un nouveau produit parce que les concurrents le font, cela pour attendre la réaction du marché et ajuster l'offre sans gaspiller l'énergie de tous. 
  • Ne pas prévoir de projets ou d'investissements majeurs durant une année, parce que les équipes semblent fatiguées, et que le contexte économique le demande. 
  • Ne pas intervenir immédiatement dans un désaccord entre collaborateurs, pour les laisser agir en autonomie et leur laisser l'occasion de trouver la solution par eux-mêmes. 
  • Donner l'opportunité aux collaborateurs, d'alerter sur le besoin de stopper un projet, de le mettre en pause, ou de prendre plus de temps s'ils estiment que c'est nécessaire. 

Pourquoi ne pas agir trop vite ? Car vous risquez de passer à côté d'une opportunité plus durable, plus fine, plus collective à mettre en place. Vous limitez les erreurs dues au manque de temps, à la pression. Vous favoriser la prise de recul d'une équipe entière, vous avez le temps nécessaire pour solliciter leurs avis, leur donner l'occasion de se préparer, d'analyser, de se projeter. 

Le non-agir, c'est un peu l'échauffement avant le match. C'est l'action dans la sagesse et non dans la précipitation. 

Faire autrement (mieux) en équipe 

Vous l'aurez donc compris, il n'est pas question de ne rien faire au bureau (vous pouvez souffler !), mais plutôt de repenser la manière dont tout le monde agit. Car on peut faire beaucoup de choses et brasser de l'air ! 

Pour que vos salariés (et vous) vous sentiez motivés, heureux de venir au travail, engagés, en forme, favorisez : 

  • Le temps de réflexion autour des projets ou des décisions à prendre : non, donner 5 minutes de réflexion montre en main à un collaborateur pour qu'il décide ou non de la faisabilité d'un projet n'est pas suffisant. Pour valoriser l'engagement et la motivation, proposez des deadlines adaptées, réalistes, stimulantes sans être stressantes. Mieux encore, laissez votre collaborateur vous indiquer la deadline en fonction de son organisation et voyez ensemble ensuite s'il faut la revoir. 
  • La sollicitation de l'avis des collaborateurs : le "non-agir" passe aussi par le temps alloué à interroger toute l'équipe, qu'elle soit impliquée directement ou indirectement dans un projet ou une prise de décision. L'intelligence collective est cruciale en entreprise ! Elle permet d'ouvrir la voie à de nombreuses opportunités, elle stimule la créativité, l'innovation.
  • Le droit à la déconnexion : il n'est pas normal que vos collaborateurs travaillent en dehors de leurs horaires (sauf cas exceptionnels ou besoins précis, bien entendu). Cela suggère soit une mauvaise gestion du temps et d'organisation OU un défaut de management de votre part. Si cela part d'une bonne intention des salariés au départ, car ils veulent bien faire, finir dans les temps, etc, c'est surtout le début d'un cercle vicieux auquel il faut mettre un terme. Ils prennent de mauvaises habitudes ! Et cela va les conduire tout droit vers l'épuisement, le désengagement, la frustration. Veillez donc au respect de l'équilibre entre vie privée et professionnelle. 
  • La conduite de réunions inversées : boostez l'engagement de vos collaborateurs en les laissant mener les réunions. Ici, c'est vous qui êtes dans le "non-agir". Vous pouvez par exemple prévoir que la réunion hedbomadaire soit conduite par un salarié différent chaque semaine. Chacun arrive avec un temps de parole de 5 minutes, pour évoquer les points essentiels, poser les questions, évoquer les difficultés. Vous êtes dans une posture d'écoute active, vous responsabilisez votre équipe, en lui laissant de l'autonomie, un temps de parole. Vous mettez en lumière les besoins/difficultés du terrain pour une prise de solution éclairée. 
  • Le management par la confiance : on n'agit pas dans la précipitation, mais dans la réflexion. Un manager qui prône la confiance ne donne pas de solutions immédiates, il pose des questions. Il n’interrompt pas les dynamiques collectives, il observe. Il fait confiance et laisse l’équipe expérimenter, même s'il y a un risque d'erreur. Enfin, le manager est là pour réguler si le cadre, les valeurs ou les objectifs sont mis en péril.
  • Le "vide fertile" : aussi appelé « vide créatif », ce vide fertile permet de se réengager dans un nouveau cycle, un nouveau projet, une nouvelle année. C'est accepter de faire une pause ensemble ou individuellement, pour réfléchir, voir naître de nouvelles idées. Pourquoi ne pas redonner un nouvel élan à votre activité en organisant un team building ? Une balade en forêt pour brainstormer ? Pourquoi ne pas prévoir un séminaire quand vous sentez l'équipe épuisée, à bout de souffle ? Pourquoi, lorsque vous sentez que les esprits s'échauffent au bureau, ne pas dire "stop", histoire d'aller boire un café tous ensemble ? 
  • Les visions moyen et long terme : pour que chacun puisse apprécier les temps de déconnexion, il peut être intéressant d'aider votre équipe à prendre de bonnes habitudes. Faites en sorte que le vendredi soit la journée dédiée à l'organisation de la semaine suivante : priorisation des tâches, organisation des réunions essentielles, établissement du planning de la semaine. Résultat : vos collaborateurs et vous-mêmes quittez le bureau apaisés car vous n'êtes pas dans le flou vis-à-vis de la semaine suivante. Ce qui les aura peut-être stressés aura été traité, discuté, organisé, de manière à transformer une montagne en petites collines, un problème en solution. Ils partent le coeur léger car tout le monde a le même niveau d'informations. Ils pourront se reposer (vraiment), penser à autre chose dans la mesure du possible et arriver le lundi matin déjà prêts à accueillir cette nouvelle semaine. 

De la culture de la performance à la quête de bonne énergie 

La quête de performance est normale puisqu'un business doit tourner et qu'un chiffre d'affaires doit être réalisé. Pour autant, cette quête de performance ne doit pas être conduite "à tout prix". Et s'il était plutôt question de véhiculer de bonnes ondes au travail ? Qu'une énergie positive, bienveillante, stimulante, chaleureuse et accueillante soit de mise ? Et si l'environnement professionnel devenait un lieu où il fait bon vivre ? Un lieu où l'on se sent inspiré, créatif, écouté, valorisé ? Et si la clé de la réussite, c'était d'avoir une équipe aussi motivée que motivante, qui impose ses limites et respectent le cadre que vous instaurez ? Une équipe capable de faire des pauses quand il le faut, et d'agir en conscience, avec efficacité le reste du temps ? Se retrouver le lundi avec le sourire, en forme, se quitter le vendredi sans être sur les rotules mais avec la conviction d'avoir avancé comme il le fallait tout au long de la semaine en ayant déjà de la visibilité sur la semaine d'après ? Cela pour passer un week-end totalement déconnecté du travail, plus sereinement.

Le non-agir n'est donc pas une formule de politesse pour dire qu'on se contente de peu ou de moins bien. Il est finalement vraiment question de faire peut-être un peu moins rapidement, mais de le faire de la meilleure des façon possibles. Le mieux étant l'ennemi du bien, le toujours plus est aussi l'ennemi du "juste assez".